Mardi 13 août 2 13 /08 /Août 13:30

            Comme chaque année, une flopée de CDD était venue renforcer notre équipe pour toutes les vacances d’été. Venant de différents points du globe, ces saisonniers étaient essentiellement composés d’étudiants et étudiantes venant en France pour y passer des vacances à moindre frais. L’entreprise prenait en charge leurs billets d’avion, ou de train, aller-retour et les hébergeait pour toute la période de leur contrat dans des résidences ressemblant à de véritables petites citées en vase clos ; un loyer leur était prélevé directement sur leur salaire. Si les lieux étaient relativement calmes durant la journée, ils devenaient le théâtre de fêtes immenses la nuit venue, des soirées qui se poursuivaient régulièrement jusqu’à l’aube.

 

            Je travaille pour cette entreprise touristique depuis bientôt 14 ans en tant que responsable d’équipe et, tout au long de ces années, j’ai pu voir défiler un bon nombre de saisonniers, aussi bien estivaux qu’hivernaux. Si je retrouvais bien souvent quelques anciens, venant et revenant encore, il y avait surtout  beaucoup de nouveaux réservant toujours un lot de surprises, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Certains CDD jouaient leurs rôles à fond, faisant de magistrales soirées la nuit, mais assurant un travail impeccable la journée, tandis que d’autres, moins scrupuleux, moins résistants peut-être, augmentaient notre taux d’absentéisme en se faisant porter régulièrement pâles. La plupart prétextait une maladie survenue subitement dans le courant de la nuit : indigestion, intoxication alimentaire, gastro… et je m’amusais beaucoup de leur grande naïveté. Il s’imaginait que nous pouvions croire en leurs excuses, oubliant que, nous aussi, nous avions eus leur âge.

 

            Cette année  ne devait pas différer des précédentes et mes collègues et moi-même rigolions d’avance de ce que nous allions découvrir comme fausses surprises au fil de la saison. Pourtant, le premier arrivage de saisonniers nous en offrit deux réellement inattendues. La première était un petit bout de femme venant d’Italie et se prénommant Francesca. Hormis un corps parfaitement proportionné et un visage angélique qui faisaient qu’elle ne passait inaperçue, elle montra, dès le premier jour, une énergie et une joie de vivre hors du commun. Dans un premier temps, nous pensâmes qu’elle allait vite s’épuiser au fil des jours, qu’elle se montrait ainsi uniquement pour valider sa période d’essai, mais elle ne changea jamais d’un iota son comportement et nous commençâmes à penser qu’elle devait se faire des perfusions de caféine durant son sommeil. Entre sa bonne humeur infatigable et sa beauté indéniable, elle devint rapidement la mascotte de l’équipe.

            La deuxième surprise nous arriva de Hongrie : Zsófia, du grec Sophia, signifiant la sagesse. Si Francesca m’avait marqué par son côté extravertie, exubérant, Zsófia me toucha par l’incroyable présence qui se dégageait d’elle : il suffisait de poser un seul regard sur son visage, pour être immédiatement happé par son aura et transporté dans un monde féérique. Elle était aussi d’une grande beauté, pas celle, éphémère des mannequins de magazines, mais bien celle, éternelle, des déesses antiques. Son regard était étonnamment expressif et pouvait vous envoûter en un rien de temps si vous n’y preniez garde. Son accent prononcé de fille de l’Est apportait la touche ultime à un charme à vous couper le souffle.

            Contrairement aux autres saisonniers, Zsófia n’était pas hébergée dans l’une des résidences de la société. Ayant quitté la Hongrie pour venir faire une année d’étude dans une faculté de Paris, elle vivait en collocation dans un petit appartement de la capitale, désireuse, entre autre, de parfaire sa connaissance de la langue française.

            Au-delà de son pouvoir de séduction évident, quelque chose d’autre m’interpela chez elle lorsque je la vis pour la première fois, comme si une ombre, surgit de son passé flottait au-dessus de ses épaules. Mais, à ce moment-là, je ne cherchai pas à creuser la question : après tout, la vie privée des gens ne faisait pas partie de mon domaine d’activité professionnelle.

 

            Les formations de nos saisonniers se terminèrent au moment où les touristes commencèrent à arriver en masse. Les jours se succédèrent, puis les semaines, et j’eus finalement beaucoup plus d’affinité avec Federica que Zsófia, essentiellement parce que je travaillais plus souvent avec la première et qu’il était quasiment impossible de ne pas être avenant envers elle, tant elle était une montagne de bonne humeur communicative. Zsófia était presque sortie de mon esprit, mais allait y revenir d’une manière inattendue.

 

            Nous avions eu une matinée assez harassante ce jour-là et, à la fin de notre grand rush, je me fis raccompagner à notre base par Daha, l’un de mes collègues mauritanien. En s’engageant sur le petit parking, j’aperçus Zsófia à l’extérieur de la salle de repos, assise sur une chaise de comptoir. Elle ne prêta pas attention à notre arrivée, plongée, sans doute, dans une quelconque rêverie. Sa tête était légèrement penchée sur sa main, comme si elle avait été hypnotisée par la fumée bleuâtre qui s’élevait de sa cigarette… et je fus, moi aussi, totalement hypnotisé par cette femme, comprenant, à cet instant, qu’elle ne sortirait plus jamais de mon esprit. Je regrettai de ne pas avoir mon appareil photo, tant le cliché aurait été d’une pure merveille.

            Ses cheveux étaient attachés en queue de cheval et découvraient une nuque ravissante, sur laquelle, pensai-je, il devait être bon d’y laisser courir ses lèvres. Les rayons du soleil éclairaient légèrement son visage pensif et je pus lire énormément de chose dans son expression, ressentant à nouveau cette ombre au-dessus de ses épaules, percevant son mal-être. Elle me fit penser à une petite étoile, perdu dans l’immensité céleste, mais luisant un tantinet plus que les autres, dans le secret espoir d’être vue par un initié, dans l’espoir d’être enfin approchée par une main pouvant la tirer vers l’avant.

            « Comment une femme aussi belle, aussi jeune, peut-elle être perdue dans ce champs immense, pensai-je. Non, elle n’y est pas perdue : elle s’y cache ! »

- Quelque chose ne va pas ?

Je sursautai à la voix de Daha, mais ne parvins pas à détourner mon regard de Zsófia pour lui répondre.

- Cette fille est absolument magnifique ! lui dis-je.

- Je pense que tu as très bon gout !

- Tu sais si elle rencontre des problèmes avec l’équipe ?

- Non, je ne crois pas. En tout cas, personne ne m’a remonté d’infos négatives la concernant ; c’est plutôt le contraire.

- C’est-à-dire ?

- C’est une bosseuse, qui ne se plaint jamais.

- Cela ne m’étonne pas… Allons lui dire bonjour !

Je descendis du trafic, aussitôt suivi par Daha, et m’approchai doucement de Zsófia qui, enfin, leva sa tête et nous adressa un petit sourire.

- Salut Zsófia. Tu m’as l’air un peu triste ? Tout va bien ?

- Oui, je décompresse juste un peu… Ca fait du bien.

Son accent sonnait comme un doux chant à mon oreille. Je remarquai que son regard affichait une certaine retenue, peut-être un peu de méfiance. Quoi de plus naturel au fond ? Nous ne nous connaissions pas réellement et j’étais son supérieur hiérarchique.

- Tu as rencontré des problèmes sur le parking ?

- Rien de grave, me répondit-elle en souriant. Juste un chauffeur un peu trop excité qui ne voulait pas se garer là où je lui indiquais.

- Et ?

- Il s’est garé là où je lui indiquais !

La réponse me fit sourire et j’imaginais sans peine la scène, le duel de regards entre les deux personnes : le conducteur n’avait vraiment aucune chance !

- Quelqu’un veut-il un café ? demanda Daha.

- Je veux bien ; au lait et sans sucre.

- Et pour toi ?

- Non, rien, merci, répondit Zsófia.

- Tu es sûre ? insista Daha.

- Oui, je suis parfaitement sûre.

Daha esquissa un petit mouvement de la tête, dont lui seul en connaissait la signification, et s’éclipsa au moment où Federica faisait son apparition. Zsófia se leva de sa chaise et nous commençâmes, tous trois, à discuter de tout et de rien, conversation trop banale pour moi qui brûlait d’envie d’en savoir un peu plus sur l’étoile de Hongrie. A un moment, cette dernière fut interpelée par quelque chose que Federica me dit presqu’à voix basse.

- J’ai commencé ton livre… et j’adoooorre !!

En plus de mon travail, j’avais écrit un roman dont Federica, je ne me souviens plus trop comment, avait eu vent. Elle m’avait alors demandé si j’accepterais de le lui faire lire et je lui avais offert un exemplaire.

- Vraiment ? répondis-je avec un sourire amusé.

- Oooh oui !... C’est vraiment très bien… et très chaud !

Cette fois, j’éclatai d’un grand rire et la remerciai chaleureusement pour son compliment, après quoi, sa cigarette terminée, elle retourna prendre son poste de travail. Zsófia profita d’un court instant où Daha était interpelé par un autre salarié, pour se rapprocher de moi.

Qu’est-ce qu’elle a dit à propos d’un livre ?

Elle avait posé sa question à mi-voix, presque timidement, et, bien malgré moi, je fus touché par ce mélange de force et de fragilité que je ressentais parfaitement en elle.

- Il y a quelques temps, j’ai écrit un roman, lui répondis-je en souriant, et Federica a demandé à le lire.

- C’est bien… C’est quoi le titre ?

- Piège libertin, l’histoire d’une jeune femme qui retrouve, après plus de quinze ans, une amie qui va, peu à peu, lui faire découvrir un monde dont elle ne soupçonnait pas l’existence.

- J’aimerais beaucoup le lire, moi aussi.

- C’est un livre très… érotique !

- Ca me plait beaucoup… J’aime tout lire !

- Tu as une adresse mail ?

- Oui.

- Mon livre est au format numérique ; donne-moi ton adresse et je te l’envoie dès que je serai rentré chez moi.

 

Le soir même, je tins ma promesse et envoyai le PDF de mon roman. Plusieurs journées se succédèrent sans que je puisse revoir Zsófia, nos horaires et nos jours de repos étant totalement à l’opposé. Enfin, après un peu plus d’une semaine, je la croisai alors que je remontai à la base au volant du trafic. Elle avait été positionnée à l’entrée du parking réservé aux handicapés, pour remplacer la barrière à code ayant un problème de fonctionnement en raison de la forte chaleur.

- Tout se passe bien Zsófia ?

- ui, c’est parfait.

- Ca fait longtemps que tu es là ?

- Non, à peine dix minutes… Ton livre est très bon ! Il y a une suite ?

- Tu l’as fini ?

- En une après-midi. Tu es doué… vraiment très doué, ajouta-t-elle en baissant le regard.

- La suite est en cours d’écriture ; il y en a encore pour quelques mois.

- J’ai hâte.

Elle avait toujours sa queue de cheval offrant cette vue si attirante sur sa nuque. J’eux une forte envie de couper le moteur et de descendre pour bavarder avec elle, mais ce n’était ni le lieu, ni le moment. Heureusement, j’avais une parfaite maîtrise de moi-même, suffisamment, en tout cas, pour ne pas succomber à certaines tentations. Toutefois, il en est une à laquelle je me serais bien laissé aller.

En plus de l’écriture, une autre passion occupait une partie de mes loisirs, la photo, et j’avais très envie, depuis un moment, de capturer des personnes dans mon objectif, mais je n’avais pas encore trouvé de modèles m’inspirant… Et une muse se tenait devant moi, belle dans sa fragilité, magnifique dans sa force ; pouvais-je oser lui proposer une séance ? Non, cela n’était pas possible : j’étais son supérieur hiérarchique !... Cependant, une petite voix au fond de moi m’intimait à engager une longue conversation avec Zsófia. Je décidai, ce jour-là, d’ignorer cette voix.

- Je vois que tu as l’une de nos radios, lui dis-je. Je sais que tu es une vraie guerrière, mais il fait très chaud aujourd’hui ; n’hésite pas à appeler si tu as le moindre souci.

- Tu dis ça parce que je suis de l’Est ?

- Je dis ça parce qu’il fait très chaud, même si tu étais une méditerranéenne !

 

La saison passa vite, beaucoup trop vite, et les CDD rentrèrent tous chez eux. Toujours en raison des horaires décalés, je ne revis presque pas Zsófia et j’avais continué à ignorer la petite voix qui me parlait, qui me disait que j’avais remarqué la luminescence de la petite étoile et qu’elle ne comprenait que je n’ai pas daigné aller vers elle.

 

Bien qu’elle soit partie, et comme je l’avais bien pressentie, Zsófia ne quitta plus jamais mon esprit, caché, comme en embuscade, dans un recoin secret de ma mémoire. Sur un réseau social, je découvris qu’elle avait une fiche et nous devînmes « amis », nous échangeant deux ou trois messages brefs.

Courant janvier, nous reçûmes, sur la boite mail de notre service, un courriel de Zsófia nous indiquant qu’elle souhaitait revenir en CDD pour l’été, mais ne savait pas trop comment procéder. Je renvoyai le message au département s’occupant des embauches, en précisant que cette personne devait absolument avoir un poste chez nous et, deux jours plus tard, en informai l’étoile de Hongrie. Il se passa alors quelque chose de surprenant : ce qui aurait dû être un échange tout aussi bref que les autres, se prolongea plus longuement et encore plus longuement le lendemain soir.

Dans un premier temps, nous échangeâmes sur des banalités, puis, lentement mais sûrement, la discussion se porta sur elle. Je la complimentai sur le travail qu’elle avait effectué… puis sur son charisme, sur sa beauté.

« Tu trouves vraiment que je suis belle ?

« Il existe deux types de beauté : celle que l’on voit dans les magazines et qui, inévitablement, finit pas disparaître avec le temps et celle qui ont une force telle, que rien ne pourra jamais l’effacer. Tu entres dans la deuxième catégorie, belle Zsófia.

« Vraiment ?

« Il y a une aura très puissante qui se dégage de toi.

« Tu connais les aura ?

« Je ne les connais pas : je les ressens.

« Tu sais lire leurs couleurs ?

« Ce n’est pas une question de couleur. C’est plutôt comme si elle me parlait.

« Et que t’a dit la mienne ?

« Que quelque chose, quelque part dans ta vie, t’a profondément blessé… Quelque chose, quelque part dans ta vie, t’empêche d’avoir confiance en toi.

« Tu me connais bien.

« Je ne sais que ce que tu as bien voulu me montrer de toi… »

Zsófia se libéra un peu, à la suite de cet échange, et m’expliqua quelques détails de son passé qui l’avait blessé. Je savais qu’il n’y avait certainement pas que ça, que le problème devait être plus important, plus profond, mais je respectai son silence, conscient qu’elle m’en avait déjà dit beaucoup en fonction de la confiance qu’elle pouvait me porter.

 

D’autres mois s’enchaînèrent où nous continuâmes à discuter, par écrit, de tout et de rien ; assez régulièrement, Zsófia m’offrait une nouvelle pièce du puzzle de sa vie et l’ombre planant au-dessus de ses épaules se précisait de plus en plus pour moi. Au-delà du fait que je découvrais, au fur et à mesure, l’étoile de Hongrie, je prenais un réel plaisir à ces échanges, à tel point que j’arrivais à ressentir un manque certain lorsqu’elle n’était pas là ; je me demandais s’il en était de même pour elle.

 

Fin mai, elle m’annonça une bonne nouvelle : elle venait de recevoir son contrat et revenait la première semaine de juin. C’est alors que je lui annonçai quelque chose que je ne lui avais pas encore dit : j’avais été transféré dans un autre service depuis trois mois.

« Cette fois, nous ne travaillerons pas ensemble.

« Non ! Ce n’est pas possible. J’ai envie de te voir !

« Je dois t’avouer que j’ai aussi la même envie.

« Dans ce cas, on peut se voir à la sortie du travail, ou sur une journée de repos ? D’accord ? »

L’idée de la photographier me revint subitement à l’esprit, une séance qui, peut-être, pourrait aussi lui être profitable. En effet, si l’on peut faire dire presque n’importe quoi à une photo, une photo ne ment jamais lorsqu’elle est à l’état brut : si Zsófia pouvait se voir telle que je la vois, peut-être regagnerait-elle un peu d’estime d’elle-même ?

« Accepterais-tu de me servir de modèle pour des photos ? »

 

Juin arriva plus vite que je ne le crus. Après quelques jours d’hésitation, Zsófia avait finalement accepté ma proposition et je fus très touché car j’imaginais sans peine l’effort que cela devait lui coûter.

 

Nous nous fixâmes rendez-vous un mardi après-midi, un jour de repos que nous avions en commun. N’étant plus étudiante à Paris, Zsófia était cette fois hébergée dans l’une des résidences de la société et ce fut donc là-bas que je passai la chercher en voiture. Cela faisait presqu’un an que je ne l’avais pas revu et mon cœur se mit à battre plus fort lorsque je l’aperçus m’attendant à l’arrêt de bus faisant face aux résidences. Elle portait une robe de saison, s’arrêtant juste au-dessus des genoux avec un léger décolleté, et de petites chaussures rouges. Je remarquai aussi qu’elle avait attaché ses cheveux en queue de cheval et me demandai si elle l’avait fait exprès : un soir, au cours de l’une de nos conversations, je lui avais avoué ce que la vue de sa nuque m’avait inspiré comme émotion.

Je descendis de la voiture pour la saluer et nous nous retrouvâmes dans les bras l’un de l’autre, une étreinte qui dura plusieurs longues secondes. Au final, tous nos échanges sur INTERNET nous avaient rapprochés aussi sûrement que si nous avions discuté en face à face.

Sa flagrance me flatta agréablement les narines. Je sentais sa poitrine ferme contre la mienne et sa nuque était si proche de mes lèvres, qu’il me fallut faire un effort surhumain pour résister à la vilaine tentation. Cependant, tout ceci éveilla, bien malgré moi, un désir bien masculin et, intérieurement, je priai pour qu’elle ne se rende pas compte qu’une bosse commençait à déformer mon pantalon. Je finis par la repousser doucement et plantai mon regard dans le sien ; ses yeux brillaient d’une étrange lueur.

- Tu es magnifique, Zsófia.

- Merci, me répondit-elle en piquant un fard, mais sans détourner son regard du mien.

- Nous y allons ?

- Oui, mais où ?

- Chercher une lumière à la hauteur de ta beauté !

 

Pour cette grande première, j’avais décidé d’utiliser un décor naturel, un lieu public mais où, toutefois, je savais que nous ne serions pas dérangés par trop de monde afin de ne pas heurter la réserve de Zsófia. Fort heureusement, nous nous trouvions en Seine et Marne, une région où il était encore possible de trouver des forêts assez importantes en taille, pour pouvoir se perdre dans un coin.  

Durant le trajet, Zsófia me raconta son arrivée et le vide qu’elle avait ressenti avec les différents transferts de personnel. Elle était cependant ravie d’avoir retrouvé Federica, cette dernière étant déjà là depuis le mois de mars.

Malgré une conversation assez débridée, je sentis un trouble s’installer doucement entre nous, mais, par facilité sans doute, je ne cherchai pas à en découvrir la raison.

 

Je garai la voiture devant l’une des entrées de la forêt domaniale de Ferrières en Brie et nous nous engageâmes sur le sentier principal. Zsófia marchait à mes côtés en balançant légèrement ses bras et je résistai à l’envie de lui prendre la main. Sa queue de cheval dansait délicieusement au rythme de ses pas et, d’une manière que j’aurais voulue plus discrète, j’admirai le contour de son oreille, la forme parfaite de son nez, le dessin de sa bouche. Je ressentais un peu de nervosité chez elle, pourtant sa respiration semblait calme, régulière, faisant bouger sa poitrine presqu’imperceptiblement. A nouveau, un furieux désir s’empara de moi, une envie qui se traduisit aussitôt par un nouveau début d’érection.

- Ca va ? me demanda-t-elle brusquement.

- Oui. Je suis simplement sous ton charme.

- J’aime tes compliments, tu sais ?

- Tu les mérites amplement, tu sais ?

Nous arrivâmes à un petit carrefour et je me décidai à lui prendre la main pour l’entraîner dans un sentier plongeant au travers de grands marronniers. La sentant frissonner au contact de ma main, je relâchai la pression, mais elle augmenta aussitôt la sienne.

 

Après quelques minutes de marche, nous arrivâmes enfin au bon endroit, une sorte de petite clairière taillée comme un ilot au milieu des grands arbres. Je lâchai la main de Zsófia et posai mon sac photo à terre. Les rayons du soleil, venant sur nous de biais, étaient légèrement filtrés par la proximité des branchages, offrant une lumière idéale.

- Nous y sommes ! lançai-je avec un grand sourire.

Je sortis mon appareil photo, installai un 55-200 mm et, après quelques réglages, me tournai vers Zsófia. Son regard était parfait, mélangeant une pointe d’excitation à un nuage de trouble.

- Qu’est-ce que je dois faire ? me demanda-t-elle timidement.

- Juste être toi.

- Tu ne veux pas me faire prendre des poses spéciales ?

- C’est toi que je veux sur mes photos, telle que tu es réellement, telle que tu es maintenant, répondis-je en cadran son visage et en prenant un premier cliché.

 

Sur le vingt premiers clichés, je sentis énormément la réserve de Zsófia, son manque d’assurance et de confiance en elle, puis, peu à peu, à force de lui parler, de lancer quelques plaisanteries, je finis par la détendre et la véritable séance photos put commencer.

Si dans un premier temps  je fus totalement concentré sur mes prises de vues, je finis par être regagner par le désir à mesure que je découvrais les détails des courbes de Zsófia au travers de mon objectif. Ses chaussures rouges, pas très adaptées à une sortie en forêt en raison de ses talons hauts, galbaient divinement bien ses mollets. Je devinais que la peau de son corps devait être très douce, agréable à caresser. Je tentai d’imaginer la force de son regard pris dans les volutes du plaisir et ma gorge s’assécha aussitôt.

Sans que je le lui demande, elle s’adossa à un arbre, la tête légèrement rejeté en arrière et une jambe repliée, le pied reposant sur le tronc, une pose qui dévoila un peu plus la cuisse de son autre jambe. Je pris plusieurs clichés en rafale, dans différentes positions, puis j’eus envie de la photographier avec les cheveux tombant librement sur ses épaules. Je posai mon appareil au sol, m’approchai d’elle et tendis ma main pour saisir l’élastique qui maintenait sa queue de cheval. Mais elle stoppa aussitôt mon mouvement et je craignis d’avoir dépassé les limites.

Alors que je m’attendais à ce qu’elle me repousse, me remette à ma place, elle posa tendrement sa joue dans la paume de ma main et ferma les yeux. Mon cœur s’échauffa et battit plus fort dans ma poitrine.

- J’aime ta main, murmura-t-elle en rouvrant les yeux et en me regardant avec une intensité à couper le souffle.

- C’est dangereux ce que tu fais là, lui dis-je d’une voix rendue rauque par l’émotion.

- Pourquoi ?

- Tu es une femme séduisante, Zsófia, fortement séduisante !

- J’aime quand tu dis mon prénom… Je croyais que tu aimais le danger ?

Il me fallut quelques secondes pour comprendre ce à quoi elle faisait allusion. J’esquissai un petit sourire et me rapprocha un peu plus d’elle ; mes yeux se noyèrent dans son regard ; mes lèvres s’approchèrent des siennes ; elles étaient entrouvertes, humides, et m’attirèrent à elles sans que je puisse faire quoi que ce soit pour m’y soustraire.

Une onde électrique me parcourut tout le corps lorsque nos langues se joignirent et je me laissai enfin aller à mon désir, fouillant fougueusement son palais, puis entamant une joute langue à langue. Elle fit courir ses doigts dans mes cheveux et mon sexe se retrouva rapidement à l’étroit dans sa prison de tissus.

Le souffle court, je me reculai un peu pour l’observer un instant. A présent, son regard trahissait la monté de son propre désir. Je caressai doucement son visage du bout des doigts et sa respiration s’accéléra aussitôt. Je me penchai sur son oreille et lui mordillai tendrement le lobe.

- Tu es une diablesse, lui murmurai-je.

- Et toi un diablotin, me répondit-elle dans un souffle.

Je fis courir la pointe de ma langue sur les contours de son oreille ; elle frissonna et poussa un profond soupir. Je descendis sur sa nuque, cette partie qui me faisait rêver depuis si longtemps, et la couvris de petits baisers, la mordillai par endroit. Les doigts de Zsófia se crispèrent dans ma chevelure.

Tout en continuant à me perdre dans son cou, je posai une main sur sa jambe toujours replié contre l’arbre et remontait lentement, emmenant le pan de sa robe dans le mouvement. Comme je l’avais imaginé, sa peau était d’une grande douceur.

- C’est bon, soupira-t-elle en laissant retomber sa tête sur le côté.

- Zsófia, tu me rends fou !

Ma main avait atteint le galbe de sa fesse, ferme, bien ronde. Mes lèvres abandonnèrent sa nuque, devenue rouge par endroit sous l’ardeur de mes baisers, et ma langue reprit possession de sa bouche tandis que je faisais courir mes doigts vers son nombril pour en redessiner doucement le contour, en investir le creux. Puis je plongeai à l’intérieur de sa culotte et jouai un peu avec sa toison, que je trouvai fine au toucher, certainement bien taillée. Je descendis encore un peu plus bas.

Le râle de Zsófia vint mourir au fond de ma propre gorge lorsque je trouvai son clitoris gorgé de désir. Ses jambes se mirent à trembler et je passai un bras autour de sa taille pour la maintenir fermement. Tout en continuant à l’embrasser, mes doigts s’activèrent sur son bouton. Tantôt je le faisais rouler entre le pouce et l’index, tantôt je pressais sur lui en imprimant un petit mouvement circulaire.

Zsófia écarta un peu plus les jambes et projeta son bassin vers ma main comme pour me demander de porter plus loin mes investigations, d’aller explorer sa grotte trempée. Mais, pour le moment, je ne voulais que jouer avec son clitoris et regarder ses yeux se perdre dans les méandres du plaisir.

- C’est toi qui me rends folle ! cria-t-elle brusquement en se libérant de l’étreinte de ma bouche.

Ses ongles se plantèrent dans mon cou et elle fut prise de spasmes violents. Ses yeux étaient grands ouverts, me fixaient sans plus aucune gêne et je pus y voir arriver la vague libératrice tel un raz-de-marée. Zsófia laissa éclater son orgasme en ne retenant plus ses cris de plaisir et ce fut à ce moment que je pénétrai sa vulve de deux doigts, me mettant à la fouiller avec frénésie.

Zsófia dû poser son deuxième pied au sol, consciente que son équilibre  était de plus en plus précaire, et ce fut elle qui se jeta sur mes lèvres, investissant ma bouche avec une fureur décuplé par son premier orgasme. Dans son intimité, mes doigts dansaient une folle farandole et, bien vite, je sentis le souffle de l’étoile de Hongrie se faire plus puissant dans ma gorge ; ses ongles me lacérèrent la peau de la nuque lorsqu’elle sombra dans un deuxième orgasme. Ses spasmes devinrent si forts, que je compris qu’elle ne pourrait plus tenir longtemps sur ses jambes et je l’aidai à s’allonger doucement sur le sol. Son visage épanoui semblait exprimer de la gratitude.

- Ma douce Zsófia… Es-tu prête pour un deuxième round ?


 

Ses yeux brillaient de cet éclat si caractéristique de la femme prise dans les volutes du plaisir. Cependant, chez elle, il prenait une autre ampleur. Son regard vert émeraude, niché dans un écrin en forme d’amande, était, à cet instant très précis, d’une beauté fascinante, presque hypnotique.

Je me saisis de mon appareil photo, effectuai les réglages pour saisir un portrait et pressai le déclencheur à plusieurs reprises. Lorsque je lui montrerai ces clichés, il ne faisait aucun doute qu’elle se rendrait compte du charme fou qu’elle dégageait.

- Encore des photos ? murmura-t-elle dans un sourire.

Je me noyai dans son regard et sentis un pincement au cœur en me souvenant de ce qu’elle m’avait raconté un soir. Je ne comprenais pas comment un homme avait pu lui faire autant de mal, comment il avait pu oser lever la main sur elle à maintes reprises et l’avilir ainsi. Mais, au fond, il n’y avait rien à comprendre : nul n’a le droit de frapper une femme !

- Tout va bien ?

Gagné par une vague de colère, je m’étais tendu sans m’en rendre compte.

- Tu es fâché après moi ?

J’esquissai un petit sourire, empreint d’une certaine tristesse : encore aujourd’hui, Zsófia imaginait normal, peut être naturel, qu’un homme puisse se fâcher contre elle. Je repoussai délicatement la mèche qui lui barrait le front.

- Non, ma belle, je ne suis pas fâché… Et toi, comment te sens-tu ?

- Bien… Merveilleusement bien.

Son visage rayonnait de bonheur. Je la sentais en paix avec elle-même et me demandai depuis combien de temps elle n’avait pas éprouvé une telle quiétude.

- Alors, répondis-je, moi aussi je vais merveilleusement bien.

Elle me gratifia d’un immense sourire. J’aimais le dessin de ses lèvres, naturellement opulentes, mais pas à l’excès comme on pouvait le voir chez certaines femmes. Loin d’être vulgaires, on s’y retrouvait suspendu du regard, attendant qu’elles se mettent en mouvement pour nous conter une quelconque légende hongroise.

- Zsófia… Je crois qu’il n’existe pas de mots, dans ma langue, pour pouvoir décrire dignement ta beauté.

Ses yeux brillèrent encore plus et je devinais que quelques larmes étaient en train de les envahir.

- Tu sais, jamais personne ne m’a parlé comme toi auparavant.

- Je ne parle pas Zsófia ; je ne fais que traduire la poésie que tu inspires.

Elle se redressa légèrement, prenant appui sur ses coudes, et me fixa avec une grande intensité.

- Que va-t-il se passer… après ? me demanda-t-elle d’une voix devenue rauque sous l’émotion qui l’étreignait.

- Après ?

- Dis-moi que tu ne vas pas disparaître.

A mon tour, je fus gagné par une vive émotion. Je posai une main tendre sur sa joue et la lui caressai.

- Zsófia, je ne disparaîtrai pas tant que tu auras besoin de moi, tant que j’arriverai à te faire sourire, à réchauffer ton cœur.

Elle passa ses bras autour de mon cou et ses lèvres se rapprochèrent des miennes. Son baiser m’électrisa aussitôt.

- Ne m’avais-tu pas parlé d’un deuxième round ?

- En effet.

- Je suis prête pour ce deuxième round.

Tout en l’embrassant, je la fis doucement se rallonger sur l’herbe sèche ; je sentis son corps frémir à nouveau de désir. Notre étreinte s’enflamma ; ses lèvres aspiraient les miennes ; sa langue s’affolait autour de la mienne.

J’abandonnai le goût suave de ses lèvres, pour repartir à la conquête de sa nuque, y déposant de petits baisers d’ici et de là. En même temps, je glissai une main dans l’échancrure de sa robe et caressai un sein emprisonné dans son bonnet. La respiration de Zsófia s’accéléra et des gémissements sortirent de sa gorge comme une douce mélodie, prémices d’une symphonie majestueuse.

Je rabattis les bretelles de sa robe et la fis glisser, aidé par les contorsions de Zsófia. Elle portait des sous-vêtements en soie et dentelle blanche et, bien qu’encore emprisonnés dans leur étoffe soyeuse, je devinai la pointe durcie de ses seins.

Je me penchai à nouveau sur elle et couvris son torse de baiser. Du bout de la langue, je suivis le lobe de sa poitrine. Elle glissa une main dans mes cheveux et cambra imperceptiblement son corps.

Je me redressai et sortis ses seins hors de leur cage, puis fondis sur eux, l’un après l’autre, les massant tendrement, faisant tournoyer ma langue autour des tétons, les baisant, les aspirant, les suçant. Les doigts de Zsófia se crispèrent sur mon cuir chevelu.

Je poursuivis ma lente descente de ce corps voluptueux, m’enivrant de son parfum, le mordillant doucement par endroits. Zsófia semblait parcouru par de petites décharges électriques, réagissant aux moindres effleurements de mes lèvres.

Ses jambes s’ouvrirent lorsque j’arrivai au niveau de sa culotte, trempée de son précédent orgasme et de l’excitation qui s’emparait à nouveau d’elle. J’humai sa fragrance à pleines narines, l’imprégnant à tout jamais dans un coin de mon esprit. Mon sexe me donnait l’impression qu’il allait exploser d’une minute à l’autre dans mon pantalon.

Lentement, en prenant soin de toucher sa peau du bout de mes doigts, je lui retirai sa culotte, découvrant sa toison finement coupée, puis les lèvres fermant le passage de la grotte aux mille merveilles. L’idée fusa que quelqu’un pouvait arriver à n’importe quel moment et nous surprendre ainsi, mais je la chassai bien vite et plongeai mon visage entre les cuisses de la belle. J’écartai les grandes lèvres, mis à découvert son clitoris gorgé d’envie et y promenai longuement mon souffle. Zsófia se tendit et bascula son bassin pour tenter de venir à la rencontre de ma bouche. Mais je me contentai de caresser son bouton du bout de la langue. Elle se mit alors à gémir plus fort et ses ongles se plantèrent dans mon cuir chevelu.

Enfin, je me collai à ses grandes lèvres, aspirai le clitoris entre mes dents, fis rouler ma langue autour de lui, le suçai doucement, puis de plus en plus rapidement. Ma bouche se remplissait du fin nectar que m’offrait Zsófia et je la sentais sombrer peu à peu dans le grand labyrinthe du plaisir.

Ses gémissements se transformèrent en symphonie et son corps se raidit brusquement, tandis qu’elle laissait exploser son orgasme au fond de ma gorge.

Je relevai la tête, les lèvres humide de son plaisir, m’approcha de son visage, me pencha à son oreille et lui murmurai :

- Dieu que tu es belle, Zsófia.


 

 

 

 

 

   

Par laplumeoccitane
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